Mehr Licht
Isabelle Giovacchini travaille l’évanescence et l’épiphanie des images par différentes techniques et notamment par la photographie. Leurs détournements et manipulations, qui sont de l’ordre de l’ « inframince », expérimentent l’instant incertain entre l’appariation et la disparition des figures et des formes. La question de la reproductibilité traverse l’ensemble de sa démarche protéiforme. Imprégnée par l’histoire de la photographie et les sciences inexactes, l’œuvre d’Isabelle Giovacchini est volontairement fragmentaire et parcellaire. Basée sur la latence (ce qui est caché mais peut à tout moment se manifester), elle use d’images et d’objets qui convoquent mémoire et souvenirs dans une esthétique minimale : verres brisées, toiles blanches percées à la main par une épingle, développements photographiques incomplets, négatifs de bulbes de tulipes germés, etc. Isabelle Giovacchini met au point un procédé photographique lacunaire nommé « Mehr Licht » (« Plus de lumière ») qui participe d’un dysfonctionnement des modalités d’exposition et de développement, comme si le réel n’avait de cesse d’échapper à la technique. Au contact prolongé de la lumière, le papier photo se colore en une teinte rosée presque fanée où l’image reste dans l’attente d’une révélation qui n’adviendra pas. Après avoir expérimenté cette technique sur des notes chorégraphiques de Raoul-Auger Feuillet, un monochrome de Klein ou l’abat-jour de Man Ray, Isabelle Giovacchni a souhaité pour cette exposition, s’accaparer d’un vitrail de la Chapelle du Rosaire de Vence. L’artiste tire parti des propriétés du vitrail (lumière, couleurs, découpes en plomb) pour créer un polyptique fragmenté en six photogrammes non révélés qui restituent de manière spectrale le vitrail,véritable « boîte à lumière » expérimentale prolongeant ses réflexions sur la matérialisation et la dématérialisation.
Rebecca François, dans le cadre de l'exposition Bonjour, Monsieur Matisse !, juin 2013