Sublimation du mutisme et du vide
Originaire de Nice, diplômée de l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles, Isabelle Giovacchini développe un art qui, s'il s'éloigne du réalisme parfois trop soigné de la photographie, rapproche d'autant mieux le spectateur de son essence même : sublimer le réel dans sa quête de la représentation la plus (in)juste, Saint Graal de l'artiste visuel. Jeune artiste de près de 30 ans, elle élabore une oeuvre, sur la voie de sa maturation, puisant ses sources dans la photographie et s'en extirpant pour s'exprimer dans de multiples médiums (photomontage, vidéo, installation...). Elle réalise notamment des vidéo d'hyménoptères réagissant à d'artificiels stimuli (série Lasse), des dessins de becs d'oiseaux miniatures (série Cloués !), darwinisme fait art, s'exprimant ici dans une typologie quasi scientifique, des photographies de parasites d'arbres épinglés, quasi entomologiques, des livres sans textes, où l'annotation du lecteur devient ode plastique, des vidéos, où les anciennes images se muent samplings du mouvements, des installations mêlant matière brute et instruments de projections en lanternes magiques revisitéée (série Ambre), ou proches de la démonstration scientifique... Expérimentation et mouvements perpétuels - froids, poésie et fantastiques - chaleureux, sont les versants dichotomiques, d'un art homogène réalisé au scalpel... envoûtant tel un rêve du réel. Interview.
Comment êtes-vous passée d’un travail de photographe à un travail d’artiste « conceptuelle » ?
Étrangement, en étudiant à l'École Nationale de la Photographie d'Arles. Les fondements techniques et théoriques de ce médium m'interpellaient, mais je ne voulais pas appuyer sur le déclencheur. J’ai donc arrêté de photographier pour commencer une sorte d'entreprise de déraillement. J’utilisais les objets comme s'il s'agissait d'appareils photo. Au travers de ces expérimentations, l’art conceptuel n’est pour moi qu’un prétexte pour introduire autant que possible du mutisme et du vide.
Quelles méthodes utilisez-vous principalement pour sublimer votre travail sur la représentation ?
Je mets au point des modes opératoires. Je me sens comme un inventeur qui aurait découvert la photographie mais qui en aurait fait un tout autre usage.
Vos thématiques, hétéroclites, constituent un corpus toutefois cohérent et très personnel, allant du monde animal aux expérimentations scientifiques farfelues. Comment effectuez-vous vos choix pour vos créations ? Quelles sont les lignes conductrices de votre réflexion ?
Je choisis volontairement des sujets qui me sont étrangers et j’en sélectionne des détails qui dérapent, qui dissonent. Je sonde ces « tâches aveugles ». Quant aux lignes conductrices, j’essaie de travailler sur la disparition ou la latence de certains signes, afin d’éprouver les limites du représentable et d'en révéler les traces les plus volatiles.
Votre œuvre distille, avec une méthodologie scientifique, un univers à la limite du fantastique… La recherche d’une limite entre réel et irréel, un lieu où l’aberration donne toute sa signification au paradigme du réel ?
L'aberration résulte de modes opératoires ignorant le fonctionnement usuel des machines, de l’image ou du discours. J'expérimente : ça fonctionne en dysfonctionnant. Qu'importe la réalité, il s'agit pour moi d'expérimenter des possibilités plastiques inengendrées.
En fait, vous êtes une plasticienne de la photographie… Vous considérez-vous encore comme photographe ?
Plasticienne peut-être, photographe certainement pas.
Le grand public considère l’Art contemporain comme un grand n’importe quoi, sans réelle signification, du moins qu’il comprenne… Pensez-vous que la médiation, l’éducation de l’œil et de l’esprit puisse permettre à ce public d’étendre son champ de la perception du réel (vecteur de liberté de pensée)…?
J’espère avoir une démarche cohérente et j'estime qu'une certaine médiation en aval est toujours nécessaire afin d'exposer la règle du jeu. Finalement, si je déploie souvent des jeux de langage très hermétiques, ce n'est qu'en apparence. L'expérience esthétique prime sur le concept, ce qui ne signifie pas qu'elle puisse ou doive s'en débarrasser.
Vous exposez prochainement à Reims, en collaboration avec le FRAC Champagne-Ardenne et Chezlegrandbag. Qu’allez-vous présenter comme œuvres ?
Le titre de l’exposition est Gisants et transis. On y trouvera un ensemble de vidéos, de dessins et une installation qui abordent la question de l'organique, du résidu et de la trace.
Comment êtes-vous passée d’un travail de photographe à un travail d’artiste « conceptuelle » ?
Étrangement, en étudiant à l'École Nationale de la Photographie d'Arles. Les fondements techniques et théoriques de ce médium m'interpellaient, mais je ne voulais pas appuyer sur le déclencheur. J’ai donc arrêté de photographier pour commencer une sorte d'entreprise de déraillement. J’utilisais les objets comme s'il s'agissait d'appareils photo. Au travers de ces expérimentations, l’art conceptuel n’est pour moi qu’un prétexte pour introduire autant que possible du mutisme et du vide.
Quelles méthodes utilisez-vous principalement pour sublimer votre travail sur la représentation ?
Je mets au point des modes opératoires. Je me sens comme un inventeur qui aurait découvert la photographie mais qui en aurait fait un tout autre usage.
Vos thématiques, hétéroclites, constituent un corpus toutefois cohérent et très personnel, allant du monde animal aux expérimentations scientifiques farfelues. Comment effectuez-vous vos choix pour vos créations ? Quelles sont les lignes conductrices de votre réflexion ?
Je choisis volontairement des sujets qui me sont étrangers et j’en sélectionne des détails qui dérapent, qui dissonent. Je sonde ces « tâches aveugles ». Quant aux lignes conductrices, j’essaie de travailler sur la disparition ou la latence de certains signes, afin d’éprouver les limites du représentable et d'en révéler les traces les plus volatiles.
Votre œuvre distille, avec une méthodologie scientifique, un univers à la limite du fantastique… La recherche d’une limite entre réel et irréel, un lieu où l’aberration donne toute sa signification au paradigme du réel ?
L'aberration résulte de modes opératoires ignorant le fonctionnement usuel des machines, de l’image ou du discours. J'expérimente : ça fonctionne en dysfonctionnant. Qu'importe la réalité, il s'agit pour moi d'expérimenter des possibilités plastiques inengendrées.
En fait, vous êtes une plasticienne de la photographie… Vous considérez-vous encore comme photographe ?
Plasticienne peut-être, photographe certainement pas.
Le grand public considère l’Art contemporain comme un grand n’importe quoi, sans réelle signification, du moins qu’il comprenne… Pensez-vous que la médiation, l’éducation de l’œil et de l’esprit puisse permettre à ce public d’étendre son champ de la perception du réel (vecteur de liberté de pensée)…?
J’espère avoir une démarche cohérente et j'estime qu'une certaine médiation en aval est toujours nécessaire afin d'exposer la règle du jeu. Finalement, si je déploie souvent des jeux de langage très hermétiques, ce n'est qu'en apparence. L'expérience esthétique prime sur le concept, ce qui ne signifie pas qu'elle puisse ou doive s'en débarrasser.
Vous exposez prochainement à Reims, en collaboration avec le FRAC Champagne-Ardenne et Chezlegrandbag. Qu’allez-vous présenter comme œuvres ?
Le titre de l’exposition est Gisants et transis. On y trouvera un ensemble de vidéos, de dessins et une installation qui abordent la question de l'organique, du résidu et de la trace.